Si vous étiez un livre...
Le Langage des oiseaux
, écrit au XIIIe siècle par un écrivain perse, Attâr, traduit en français au XIXe siècle. Tous les oiseaux du monde se rendent dans le palais du roi Simorgh, mais ne trouvent qu'un miroir en pleine lumière qui reflète leur propre image. C'est un livre magnifique, initiatique : où que l'on aille, on revient toujours vers soi-même...

Un plat d'enfance...
L'omelette au lard, que j'ai goûtée tardivement en Inde. C'est le plat le plus réaliste qui puisse exister : "Dans une omelette au lard, la poule est concernée, le cochon est impliqué", dit le proverbe.

Un seul objet emporté sur une île déserte...
Un sablier. J'aime beaucoup cet objet et cette idée absurde de s'attacher au temps sur une île déserte. Dès lors, on vit le temps, on ne vit pas dans le temps.

Un paysage qui suscite le rêve...
Les lacs suspendus de Band-e-Amir, au centre de l'Afghanistan, d'un bleu incroyable, qui s'étendent sur des kilomètres. Ce paysage est mystérieux, très beau.

Un grigri...
La pierre de patience : une pierre magique à qui l'on confie ses malheurs, ses désespoirs jusqu'à ce qu'elle éclate un jour et vous délivre de tous vos poids.

Une rue de Paris...
Passage d'Enfer, dans le XIVe arrondissement, où j'avais loué un studio pour travailler, j'y ai écrit mon dernier roman. Je vais regretter ce lieu chargé d'histoire et qui me rappelle Une saison en enfer, de Rimbaud - le poète a vécu avec Verlaine dans un hôtel de la rue -, le peintre japonais Foujita, les sculpteurs Nikki de Saint Phalle, César...

Un arbre...
 La vigne, car elle donne l'ivresse. En Afghanistan, où il existe 72 variétés de raisins, notre poésie est hantée par le vin rouge. Mais les talibans se sont fait fort d'arracher tous les plants en disant que c'était le fruit du diable...

Un animal...
L'âne, car c'est l'animal le plus sage qui soit. On a l'impression que tout le dépasse. Il y a une sorte d'innocence dans son regard, et d'étonnement face à l'absurdité du monde.

Un moyen de transport...
Un tramway, car il me fait penser à Un tramway nommé Désir ! Je ne me lasse pas de regarder ce film extraordinaire d'Elia Kazan avec Marlon Brando et Vivien Leigh.

Un musicien...
Franz Schubert. Sa vie est passionnante, bien que brève puisqu'il est mort à 31 ans, plus jeune que Mozart. J'aime la violence et la mélancolie de sa musique. Dès que je l'écoute, je suis transporté.

Un parfum...
Le patchouli, qui me ramène à l'Inde et que je porte depuis toujours. C'est à la fois le parfum de mon enfance et des années 1960. Il évoque pour moi cet air de liberté qui planait alors et un érotisme extraordinaire.