Votre principal trait de caractère ?
La lenteur. Mon immaturité a duré incroyablement longtemps et je me demande si elle ne dure pas toujours. J’ai publié mon premier livre à quarante-deux ans. Je suis un énorme ruminant. Les sujets de mes romans et de mes contes doivent mûrir des années en moi pour que je puisse enfin me mettre au travail. En 1941, au Lycée Pasteur, j’étais en classe de philo le voisin de table de Roger Nimier. Sa précocité m’écrasait. il avait un an de moins que moi. Il avait apparemment tout lu, tout assimilé, tout dépassé. Il me considérait à juste titre comme un débile mental, pouffant de rire chaque fois que je disais quelque chose. Il a publié son premier livre à dix-huit ans, le dernier à vingt-huit ans et il est mort à trente-six ans. Finalement, je me demande si ce n’était pas moi qui était privilégié. La grande différence entre l’homme et l’animal, n’est-ce pas la précocité de l’animal ? –
La qualité que vous désirez le plus chez l’homme ? Chez la femme ?
Chez l’homme, la douceur. Chez la femme, la force. J’ai physiquement et moralement en horreur les « caractères sexuels secondaires », chez l’homme le poil, chez la femme l’adiposité. Je regarde toujours avec passion les championnats de patin sur glace, de tennis et d’athlétisme. Je suis amoureux de Steffi Graf et de Justine Hénin, d’Amélie Mauresmo et de Christine Arron. En plus, je trouve que leur tenue de sport met leur beauté merveilleusement en valeur. Au fond, ce sont elles qui se rapprochent le plus des anges. L’ange est d’une force physique irrésistible, mais il n’a ni poil, ni barbe, ni seins, ni sexe. –
Votre principal défaut ?
Je ne m’en vois aucun en particulier. C’est une question quantitative et qui touche l’ensemble. Je voudrais être plus intelligent, plus fort, plus travailleur, et surtout plus beau, car j’ai mon physique en horreur. Quand on me demande de me photographier, je réponds « oui, mais vite, et surtout ne m’envoyez pas les photos ! » J’ai une conception très quantitative des valeurs humaines. Une œuvre peut être excellentissime, mais petite, mineure. Un « petit chef d’œuvre ». Je préfère le contraire, une œuvre pleine de défauts, mais d’une dimension imposante. Telle la Comédie humaine de Balzac, par exemple.
Votre occupation préférée ?
La lecture, évidemment. Une vaste question : l’homme qui lit est-il un travailleur ou un feignant ? Deux grands romans commencent de la même façon, Le Rouge et le Noir de Stendhal et La Fortune de Gaspard de la comtesse de Ségur. Un père paysan bat son fils parce qu’il le surprend à lire, c’est-à-dire à paresser.
Le bonheur parfait, selon vous ?
La création. C’est en créant que l’homme se rapproche le plus de Dieu. Création d’une nation, d’un édifice, d’un tableau, d’une symphonie, d’un livre, etc. Mais on peut aussi mettre au monde et élever un enfant. Le sommet du bonheur, ce doit être d’élever un enfant génial. Mêler la tendresse et l’admiration.
Quel serait votre plus grand malheur ?
La vieillesse vous en inflige plusieurs. Chaque année je perds tel ami, puis tel autre. Si rien de physique ne me tue, ce sera par la solitude que je mourrai.
Ce que vous voudriez être ?
Ce que je suis ne m’intéresse pas. C’est ce que je fais qui compte pour moi. Je revendique le maximum de lumière sur mes livres et le maximum d’obscurité sur moi-même.
Le pays où vous aimeriez vivre ?
La Suisse. Je dois énormément à l’Allemagne, souvenirs d’enfance et de jeunesse, culture, etc. Mais elle m’a fait beaucoup souffrir, comme tous les Français de ma génération, et avec un fort supplément dû à ma famille, qui était profondément germanophile. Or, la Suisse, et Zürich en particulier, c’est l’Allemagne sans l’Allemagne, une Allemagne innocente et inoffensive.
Votre couleur préférée ?
Le bleu. Je ne supporte pas d’être vêtu de couleurs « naturelles » : marron, vert, beige, etc.
Votre auteur préféré ?
Gustave Flaubert. Certaines phrases que j’ai écrites sont du super-Flaubert, du Flaubert de synthèse. C’est spontané. Je m’en aperçois avec amusement à la relecture.
La musique que vous écoutez ?
Jean-Sébastien Bach. C’est le plus grand de tous. Sa musique nous console de notre impiété.
Votre film culte ?
Les enfants du Paradis de Marcel Carné.
Votre héros ou héroïne dans la fiction ? Dans la vie réelle ?
Dans la fiction, Kim, le jeune héros de Rudyard Kipling. Ses parents sont Irlandais, mais il est né en Inde et navigue en orphelin avec une admirable adaptabilité dans l’immensité humaine de son pays d’adoption. Dans la réalité, un jeune prof de gymnastique que j’évoque dans le Vent Paraclet. Alors que j’écrivais le Roi des aulnes, dont le thème central est « l’enfant porté », il a rattrapé au vol dans la rue un enfant tombé du septième étage d’un immeuble. Il a été projeté au sol et a eu les deux poignets fracturés, mais l’enfant a été sauvé.
Le don de la nature que vous souhaiteriez avoir ?
Le don de la musique, évidemment. Mais, il n’y a pas de don sans un immense travail pour le mettre en valeur, et de ce point de vue la musique est terriblement exigeante.
Ce que vous détestez par-dessus tout ?
La virilité (voir plus haut).
État présent de votre esprit ?
Mes états d’esprit sont principalement saisonniers et dépendent de mon jardin. Or, à l’heure où j’écris ces lignes, nous entrons dans l’automne, qui est la plus délicieuse des saisons. Le bonheur.
Votre devise ?
Je t’ai adorée, tu me l’as rendu au centuple. Merci, la vie.
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