Le bonheur parfait, selon vous ?
Être face à un vers de la Bible et, tout à coup, le comprendre dans sa simplicité.
Ou bien déguster un verre de vin.

La dernière fois que vous avez explosé de rire ?
En regardant un vieux film de Totò (Antonio Furst De Curtis), un acteur napolitain.

La dernière fois que vous avez pleuré ?

Lorsque des émigrants se sont noyés entre la Sicile et l'Italie, il y a quelques semaines. Ils avaient gardé les corps des morts
pour se tenir chaud avant de faire naufrage.

Où et quand avez-vous été le plus heureux dans votre vie ?
Donner des grilles d'intensité fait du tort au bonheur... J'ai été très heureux lorsque j'ai réussi à gravir un rocher très escarpé près de chez moi :
le corps avait triomphé.

Quel est votre principal trait de caractère ?
L'obstination. C'est une forme physique de la constance.
La constance est une vertu, la seule que je possède...

Votre principal défaut ?
L'oubli. J'oublie tout.

A quelle figure historique vous identifiez-vous le plus ?
Je me sens responsable et solidaire du siècle dans lequel je suis né, le XXe siècle.
Ainsi j'ai appris le yiddish pour faire quelque chose contre l'anéantissement d'une langue plus que contre l'anéantissement d'un peuple : je ne peux rien faire contre cela, car je suis arrivé trop tard, mais je peux lutter contre l'anéantissement d'une langue en l'apprenant, en l'étudiant, en la chantant, en la lisant.

Qui sont vos héros, aujourd'hui ?
Les humanitaires.

Vos héros de fiction préférés ?
Le général Koutouzov, dans Guerre et paix de Tolstoï, car il laissait passer les évadés.
Mais celui que je préfère entre tous, c'est Rossinante, le cheval de Don Quichotte: c'est le vrai héros de Cervantès, lancé par une volonté supérieure contre des obstacles qu'il ne peut choisir, et qui obéit toujours. Les grands mouvements de l'histoire ne sont pas toujours donquichottesques mais parfois rossinantesques.

Quelle est la qualité que vous préférez chez un homme ?
La loyauté.

Et chez une femme ?
La beauté, naturellement.

Vos écrivains préférés ?
Je ne veux pas les dénoncer, les pauvres...

Votre livre culte ?
Les livres, c'est une question de rencontre. Ce ne sont pas des produits mais des compagnons qu'il faut faire entrer dans sa vie personnelle.
La montagne magique de Thomas Mann m'a ouvert les yeux. Et, quand j'étais maçon,
j'ai ressenti mon plus grand choc en lisant le Voyage au bout de la nuit, de Céline.

Vos compositeurs préférés ?
Bob Dylan.

Votre film culte ?
Dersou Ouzala d'Akira Kurosawa, film des grands espaces qui raconte l'aventure de l'homme entre la misère et la consistance de la nature.

Vos peintres favoris ?
Chagall, parce qu'il parle d'une figure que je reconnais. Jérôme Bosch, qui m'a fasciné lorsque j'étais enfant.
Mais le plus grand de tous est Vélasquez.

Votre couleur préférée ?
Le bleu foncé du ciel. On peut inventer la nature mais pas la reproduire.

Votre boisson préférée ?
Le vin. Les rouges pimentés et les blancs du Frioul.

Votre plus grande réussite ?
Je n'ai rien réussi, j'ai seulement fait des efforts.

Votre plus grand regret ?
Je n'ai pas réussi à sauver une vie. Un jour, j'ai plongé pour sauver un type qui se noyait.
Je l'ai rejoint, je l'ai ramené, mais une vague nous a séparés et il est reparti au large. J'étais exténué et j'ai dû renoncer.

Si vous pouviez changer une chose dans votre apparence physique ?
On a le corps qu'on a bâti. Donc, je ne me plains pas.

Que détestez-vous par- dessus tout ?
L'exercice du pouvoir.

Quand vous n'écrivez pas, comment passez-vous le temps ?
Jardinage. Escalade. Flâner le nez au vent. Regarder le ciel et les étoiles.

Quelle est votre plus grande peur ?
Je n'ai plus peur. De rien.

Comment aimeriez-vous mourir ?
Dans un endroit où personne ne me soignera, où personne ne me verra.
J'aimerais me retirer avant d'être un objet de la médecine.

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