Quel est, pour vous, le comble de la misère ?
Je n'ai pas l'imagination si vaste. Peut-être doit-on plaindre qui pose de
pareilles questions ou qui peut y répondre.
Où aimeriez-vous vivre ?
Dans une très grande capitale ou dans un village isolé de montagne
(ce que je fais autant que possible).
Votre idéal de bonheur terrestre ?
Même réponse que pour le comble de la misère
(Décidément, je n'ai pas l'imagination superlative).
Pour quelles fautes avez-vous le plus d'indulgence ?
Ce n'est pas pour les fautes qu'on a de l'indulgence, mais pour ceux qui les commettent.
Quels sont les héros de roman que vous préférez ?
Athos, le capitaine Nemo, Javert.
Je ne cite que des fascinations d'enfant. Ensuite, on ne préfère plus les héros qu'à travers les dons littéraires de leurs créateurs.
Quel est votre personnage historique favori ?
Saint-Just, longtemps; puis T'sin Che Houang-Ti. Je choisirai maintenant des réformateurs moins radicaux, Périclès, par exemple.
Vos héroïnes favorites dans la vie réelle ?
Discrètes, effacées, anonymes, nombreuses.
Vos héroïnes dans la fiction ?
La Fosseuse (dans le Médecin de campagne de Balzac),
Haydée (dans le Comte de Monte-Cristo).
Votre peintre favori ?
Lucas Cranach.
Votre musicien favori ?
Je ne suis pas musicien, hélas !
Votre qualité préférée chez un homme ?
Un jugement indépendant et lucide.
Et chez la femme ?
La bonté.
Votre vertu préférée ?
L'orgueil sévère pour lui-même.
Votre occupation préférée ?
Améliorer un détail, dans une phrase, dans un objet ou dans quelque autre chose.
(Essayer d'améliorer un tout est difficile, irritant, angoissant, et n'est plus une "occupation".
Qui auriez-vous aimé être ?
Un sage ferme, intrépide, sans passion, même de sa fermeté.
Le principal trait de votre caractère ?
La faiblesse.
Ce que j'apprécie le plus chez mes amis ?
La loyauté.
Votre principal défaut ?
Une réticence avare devant les êtres et les objets, combinée - pour comble -
avec une sorte d'insatiable avidité de petites choses.
Votre rêve de bonheur ?
Avoir tout mon temps libre.
Quel serait votre plus grand malheur ?
Finir par être complètement asservi par des obligations extérieures,
que j'ai tendance à accumuler plus que de raison.
Ce que vous voudriez être ?
Totalement indépendant, et à tout point de vue. Or, je me lie.
La couleur que vous préférez ?
Le noir.
La fleur que vous aimez ?
La tulipe noire.
L'oiseau que vous préférez ?
L'effraie ou toute chouette pâle à masque parfaitement circulaire
(puisque la chauve-souris n'est pas un oiseau).
Vos auteurs favoris en prose ?
Thucydide, Tacite, Montesquieu, Valéry
(je choisis ici plutôt pour l'écriture que pour le message).
Vos poètes préférés ?
Corneille, Vigny, Péguy, Saint-John-Perse (pour ne citer que les français).
Vos héros dans la vie réelle ?
Même réponse que plus haut pour les héroïnes.
Vos héroïnes dans l'histoire ?
Les douces et intraitables à la fois, victimes à la fin de leur courage : Jeanne, les nihilistes russes...
Vos noms favoris ?
S'agit-il de noms ? de mots ? ou de prénoms ?
En tout cas, les monosyllabes de sonorité sourdre et suspendue comme "fleuve" ou "moire".
Ce que vous détestez par dessus tout ?
L'envie; et cette sorte d'ambition que blâme Tacite chez Othon :
"omnia serviliter pro dominatione".
Caractères historiques que vous méprisez le plus ?
Il me semble qu'il y a dans l'histoire quelque chose qui rend absurde le mépris
et qu'il est presque aussi puéril de mépriser ou de haïr ce qui lui appartient
qu'une tornade ou la succession des saisons.
Le fait militaire que vous admirez le plus ?
Je ne suis pas compétent.
La réforme que vous admirez le plus ?
Idem.
Le don de la nature que vous voudriez avoir ?
L'aisance.
Comment aimeriez-vous mourir ?
En y consentant ou sans m'en apercevoir.
État présent de votre esprit ?
Résigné à mes dimensions.
Votre devise ?
Essayer de ne pas décevoir.
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